Le pot-au-feu au radis (Episode 2/6)
Pot-au-feu & embonpoint
Attirée par l’odeur d’un pot-au-feu mijoté au radis japonais et aux œufs, Mayumi pénètre dans la cantine de minuit, commande une assiette et déguste méthodiquement son plat avec de la bière pour accompagner le bœuf, et du saké pour le radis. Deux clients l’observent se sustenter avec ravissement. C’est une habituée ; le patron la connait bien et on la croise régulièrement tout au long de la série. Pleine de vie et d’entrain, elle est de celle que la bonne cuisine rassure et rend heureuse. À chaque fois qu’elle apparaît, c’est un bonheur de la voir savourer avec autant de passion les plats du chef, et on a envie de s’installer à sa table pour faire de même.
Mais Mayumi est soucieuse de son apparence. Or, sa gourmandise a tendance à se transformer en boulimie dans les moments difficiles, et ses mensurations s’éloignent alors des standards de beauté. Oui, elle est grosse, et de surcroît, son médecin lui recommande de maigrir. Alors elle attaque un régime, puis deux, puis trois. Mais plus elle tente de contrôler son alimentation, plus son angoisse l’envahit et plus ses repas deviennent gargantuesques quand elle abandonne la diète. Chaque rechute est pire que la précédente, et elle finit par prendre davantage de poids.
Traité avec un humour délicat qui ne dévie jamais vers la moquerie, ce personnage permet d’aborder la question du rapport à la nourriture et au corps dans une société qui, comme la nôtre, dénigre la grosseur et accorde beaucoup d’importance à la maîtrise de son poids. On peine à voir Mayumi se contraindre sur la nourriture et s’épuiser à la salle de gym. C’est finalement un soulagement lorsqu’elle abandonne, passe la porte du restaurant et commande au patron plusieurs assiettes.
Jamais présentée comme faible et sans volonté, le regard porté sur elle est sans jugement. Sa gourmandise n’est pas traitée comme une pathologie, mais plutôt comme un élément de sa personnalité qui n’a rien de problématique en soi – et qui est même plutôt séduisant aux yeux de certains clients. Ses boulimies épisodiques ne sont finalement rien d’autre qu’une forme d’addiction, comme il en existe beaucoup d’autres parfois bien plus nocives. En outre, si la question du poids est évoquée la première fois qu’on la rencontre, elle ne fait pas en permanence l’objet de ses aventures. Mayumi est un personnage tout à fait irrésistible qui ne se résume pas à son embonpoint, et ça c’est très plaisant !
Si vous êtes prêt.e.s à relever le défis, on vous propose alors de nous mettre à table avec elle. Morgane, notre cheffe, a spécialement fait mijoter un délicieux pot-au-feu au radis japonais et vous livre ses secrets…
Ingrédients pour 4 à 6 personnes
4 os à moelle
1/3 de queue de bœuf
600 gr de jarret de bœuf
2 feuilles de Kombu
2 daikons
1 citron vert
2 anis étoilés
1 racine de gingembre (environ 50 gr)
1 tête d’ail
2 oignons jaunes
2 bâtons de citronnelle
15 cl de sauce soja dessalée
Ciboule
½ Baguette de pain
Sel et poivre
Recette
1/ Couper la queue de bœuf en tronçons de 10cm de longueur environ. Couper les oignons jaunes en deux sans les éplucher. Couper la tête d’ail en deux. Couper le gingembre en tranches avec la peau.
2/ Dans une poêle à feux vif, faire colorer les oignons sur les deux faces (chair et peau) jusqu’à ce qu’ils « brûlent ».
3/ Dans un cocotte placer les os à moelle, le jarret et la queue de bœuf. Ajouter les oignons brulés, la tête d’ail, l’anis étoilé, 1 bâton de citronnelle écrasé, 1 feuille de Kombu et la moitié des tranches de gingembre.
4/ Porter à ébullition, réduire le feu et écumer. Laisser cuire à couvert et à feu doux pendant 3h.
5/ Après 3h de cuisson, ajouter le reste du gingembre, le deuxième bâton de citronnelle et la seconde feuille de Kombu. Laisser mijoter à découvert pendant 1h.
6/ Laver, éplucher et couper les daikons en tranches épaisses (environ 1 cm). Laver, écraser et couper en deux le citron vert. Rajouter les tranches de daikon et le citron vert dans le pot-au-feu. Laisser mijoter 30 minutes.
7/ Retirer les viandes, les os à moelle et les daikons du bouillon. Prélever la viande de la queue de bœuf. Réserver.
8/ Chinoiser le bouillon et rectifier l’assaisonnement avec la sauce soja dessalée. Replacer la viande et les daikons dans le bouillon.
9/ Couper des tartines dans la demi-baguette et les griller pour réaliser des toasts. Prélever la moelle des os, étaler sur les toasts et assaisonner avec un peu de fleur sel.
10/ Dresser des assiettes avec des morceaux de jarrets, des daikons et du bouillon. Servir le pot-au-feu bien chaud avec une pincée de ciboule ciselée et les toasts de moelle. Bon appétit !
La bibliographie
Yarō Abe, La Cantine de Minuit, Tome 1, éd. Le Lézard Noir, 2007, traduit par Miyako Slocombe.
Annabelle Dumoutet
CULTURE FOOD